Pour le spectateur, il est difficile de savoir si un élément est bien réel, ou simplement conforme au réel. La véracité de la photographie est la base de son existence, même bien avant les outils techniques mis en place par Niepce, ou Daguerre.
Deux écoles composent le milieu de la photographie : d’un côté, la photographie document ; de l’autre, la mise en scène. Aux débuts de la photographie, celle-ci ne servait principalement qu’à témoigner de faits, d’événements et laisser une trace des époques. Plus la photographie a progressé, plus la mise en scène a pris de la place, même si elle était déjà présente dans toutes les photographies documentaires et portraits du début du 20ème siècle.
La question de mise en scène ou document se pose, par exemple, avec le célèbre cliché de Robert Doisneau intitulé « Le baiser de l’Hôtel de ville » datant de 1950. Lorsque l’on parle d’histoire de la photographie, vient à l’esprit cette fameuse photo qui a lancé de nombreux « produits dérivés » tels que des cartes postales, des posters, voire même des fonds d’écran. Mais que sait-on de cette image hormis le nom de son auteur ?
A premières vues, nous constatons le talent du photographe qui a su être là au bon moment, privilégiant l’émotion à la technique. Cependant, tout photographe averti sait que rien n’est laissé au hasard dans la composition d’une photographie. L’œil du spectateur se heurte ici au cadrage peu travaillé : L’homme coupé sur la droite, celui de dos dans le coin gauche, le flou de mouvement provoquée par la ville en action, qui sont autant d’éléments faisant de cette photo un cliché énigmatique. En effet, les photographies donnent des signes, signes choisis par le photographe. Il faut donc penser que la composition n’est pas spontanée. Mais est-elle posée ou non ?
Penchons nous d’abord sur Doisneau. Talentueux ou tricheur ? Photographe humaniste français d’après guerre, né en 1912, il est d’abord passé par l’école d’art graphique, et c’est en 1931 qu’il se rapproche de la photographie en devenant membre de l’agence Rapho. Il connaitra une renommée, au sortir de la guerre, grâce à de nombreux reportages pour des magazines dont Paris Match, Vogue et Regards. Talentueux, il l’était comme le confirme les nombreux prix qui l’ont récompensés (Prix Kodak en 1947, Prix Niepce en 1956, etc.), et la quantité d’expositions lui étant consacrées encore aujourd’hui à travers le monde.
Si l’on s’intéresse maintenant de plus près à son plus célèbre cliché : côté technique, le photographe indique que « le temps d’exposition de l’appareil était de cinq secondes. Le baiser aura duré un peu plus longtemps ». Côté juridique, nous apprenons que des droits ont été réclamés à Doisneau, en 1992, par des individus croyant se voir apparaitre sur cette photo. Effectivement, Doisneau a réalisé ce reportage pour le magazine américain Life en demandant à deux étudiants (Françoise Bornet et Jacques Carteaud) de poser. Pour sa défense, il déclare qu’il « n’aurait jamais osé photographier comme ça des amoureux qui se bécotent dans la rue ». Où est donc le naturel dans cette image ? Tout était-il prévu ou reste-il du naturel, du vif ? Seul Doisneau, mort en 1994, en gardera la réponse, mais cette photographie est bel et bien un « faux spontanée ».
La maitrise de la photographie chez Doisneau lui permet de réussir à créer l’illusion.
Pour plus de clichés, et d’information sur Robert Doisneau, voici son site officiel : http://www.robert-doisneau.com/fr/
Anne-Aymone Méquinion – 20 Février 2012
Copyright Anne-Aymone Méquignon 2012 – Reproduction interdite
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’Auteur pour l’usage exclusif et non public sur le site web de Calais Images.